Qui suis-je ?
Je décide aujourd'hui d'écrire mon histoire, pour différentes raisons :
- tout d'abord, écrire, même si ce n'est que pour nous, aide à faire le tri dans ses idées et y voir plus clair. Je trouve que c'est déjà une première forme de thérapie...
- ensuite, pour partager mon expérience avec des personnes qui vivent la même chose que moi, pour pouvoir se soutenir et ne plus être seule.
- enfin, pour avoir des réponses. Pour que des personnes qui ont été dans mon cas et qui s'en sont sorties ou qui sont en train, puissent m'orienter, m'apporter des solutions.
Je vais tenter d'être la plus concise possible, même s'il est impossible de raconter son histoire en quelques lignes...
Je m'appelle Marie-Charlotte et je viens d'avoir 33 ans. En 2011, à 29 ans, alors que je pesais 130 kg pour 1m65, je me suis faite opérer d'un bypass, solution de la dernière chance pour moi. Cette opération ne m'a pas tout à fait apporté la renaissance que j'espérais, mes envies n'ont pas changé, mon rapport à la nourriture non plus, je mangeais jusqu'à vraiment me rendre malade et j'arrivais à manger en grande quantité, ce qui m'inquiétait énormement. Mais selon mon chirurgien, tout allait pour le mieux, puisque je perdais du poids... Et en effet, 2 ans 1/2 plus tard, fin 2013, j'avais perdu la moitié de mon poids, 65 kg perdus et je faisais donc 65 kg. J'étais très heureuse mais mon corps était loin d'être parfait, j'avais maigri sans faire de sport, j'avais donc un excès de peau, les fameux bras chauve-souris, des petits seins tout vides, une peau relâchée de façon générale, même sur le visage où j'ai pris 10 ans en 2 ans. Et tout en étant très menue du haut du corps, mes jambes étaient encore très fortes, très engorgées de graisse (et d'eau je suppose), pleines de celullite... J'ai rencontré un chirurgien esthétique, qui m'a dit qu'il n'y avait rien à faire pour mes jambes, on pouvait juste enlever l'excès de peau au niveau des bras et du ventre (au prix de grandes cicatrices) et re-remplir mes seins grâce à des prothèses... J'espérais perdre encore 10 kg tout en me mettant au sport pour arranger tout ça, avant de penser plus sérieusement à l'opération des bras et des seins...
Aujourd'hui, moins d'1 an 1/2 plus tard, j'ai repris près de 20 kg ! Je ne sais pas si je me suis mise à manger de plus en plus, inconsciemment, ou si c'est l'effet de la malabsorption due à l'opération qui s'est amoindrie, mais le résultat est là. Bien évidemment, je ne me suis pas laisser grossir sans réagir ! J'avais conscience que c'était les régimes qui m'avaient fait atteindre 130 kg, j'ai donc ignoré les premiers kilos, pensant qu'il fallait un peu lâcher prise, ne pas en faire une obsession et faire confiance à mon bypass... mais je voyais le poids continuer à monter dangeureusement, ce qui me terrorisait car je ne savais pas comment arrêter ça. J'ai voulu faire attention, ça a été pire ! En gros, j'avais le choix entre accepter de grossir ou le refuser et grossir encore plus ! J'ai fini par me remettre au régime, je n'ai pas tenu et j'ai eu de plus en plus de compulsions ! J'ai retenté à plusieurs reprises, sans résultat, si ce n'est celui d'empirer les choses...
Bref, aujourd'hui je n'ai pas forcément trouvé LA solution, nous sommes en 2015, j'ai 33 ans et je pèse entre 80 et 85 kg, mais j'ai désormais assez de recul et j'ai compris beaucoup de choses. Déjà, aujourd'hui je reconnais que mon bypass est un échec (et ce n'est pas facile à accepter quand on se dit qu'on a fait tout ça pour rien !), le bypass a soigné un symptôme mais pas la maladie. Ma maladie, ce n'était pas l'obésité comme je le pensais, ma maladie, elle n'est pas physique, elle est dans ma tête et ce sont mes TCA, mon hyperphagie boulimique. J'ai fait énormément de recherches pour en arriver là, j'avais déjà entendu parler de ces termes sans vraiment savoir ce que c'était. Et moi j'avais conscience de ne pas être comme les autres, d'avoir un vrai problème, je me sentais comme les alcooliques ou les toxicomanes, je sentais bien à quel point la nourriture était pour moi une drogue, une obsession, un besoin, une addiction, une compulsion. J'en venais à penser que les anorexiques et les boulimiques avaient de la chance, car elles avaient une vraie maladie, reconnue et donc des spécialistes, des centres spécialisés et des méthodes pour s'en sortir. Moi je n'ai jamais réussi à me faire vomir (j'aurais bien aimé pourtant...) et juste pour ça, ça faisait de moi quelqu'un dont les problèmes et la souffrance n'était pas reconnus. Pourtant, j'avais bien conscience que se remplir jusqu'à en avoir mal, se gaver sans le moindre plaisir, cette perte totale de contrôle... que tout ça n'était pas normal. Ce terme d'hyperphagie est employé un peu à tord et à travers malheureusement et l'on trouve très peu d'informations à ce sujet, même la plupart des médecins ne sont pas informés. A écouter la plupart des femmes, elles vous diront toutes qu'elles aussi sont hyperphages, car parfois elles succombent à la gourmandise ou ont du mal à s'arrêter lorsqu'elles tombent dans un sachet de bonbons, un pot de Nutella ou un paquet de chips... J'avais conscience de ne pas avoir un comportement normal, mais je ne le reconnaissais pas vraiment il y a encore quelques mois de ça, c'est pourquoi aujourd'hui, je veux reconnaître que je suis gravement atteinte, par une VRAIE maladie. Mais quand on commence à l'assumer et en parler autour de soi, on est confronté à un mur ! On se rend compte que ce sujet est complètement tabou ! Même des gens qui me connaissent bien, même des gens à qui j'ai expliqué jusqu'où je pouvais aller, et bien même ces gens-là ont tendance à refuser la réalité et me répondre que ce n'est pas une vraie maladie et qu'avec un peu de volonté je devrais y arriver... Du coup on se sent incroyablement seule au monde... et totalement incomprise !
